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C'est avec beaucoup de bonheur que je vous ouvre les portes de mon jardin secret. J'espère que vous aurez grand plaisir à vous y perdre et à partager l'amour des mots et celui de la poésie.

Je vous souhaite un bon voyage !

Vanessa

A méditer ...

  La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent.

Albert Camus

11 juillet 2006 2 11 /07 /juillet /2006 00:46

Peu de jours après la mort de ma grand-mère, j’avais la lourde tâche de faire le tri de ses affaires et de vider son appartement. Le propriétaire n’avait eu aucune délicatesse à mon égard. Il m’avait demandé par téléphone de régler cette affaire sans plus tarder et le plus tôt serait le mieux. Il me fallait comprendre ce propriétaire désoeuvré : un appartement vide, un manque à gagner certain, une famille à nourrir, un remplaçant devait être trouvé de toute urgence. Faire place nette pour le futur locataire devait être ma préoccupation première …

 

Ce matin, je suis donc revenue sur les pas de ma grand-mère et me suis dirigée vers sa dernière demeure ici-bas. Je vous le dis sans aucune pudeur, ce n’est pas sans une certaine appréhension que je m’exposais à cette nouvelle épreuve : revenir seule sur les traces d’un être cher qui me manquait déjà cruellement était chose pénible. Je redoutais plus que tout de devoir être confrontée aux effets personnels, aux souvenirs que je n’osais affronter. Tout était encore tellement douloureux et sensible. Et pourtant, je ne pouvais plus reculer …

 

A l’approche de la rue si souvent arpentée dans ma jeunesse, les souvenirs d’enfance commençaient déjà à affluer. J’hésitais à poursuivre le chemin. Tout semblait se dérober sous mes pieds. Je n’avais qu’une seule envie : faire demi-tour et enfouir mon chagrin au plus profond de mon coeur. Mais, je le savais, je ne pourrai pas fuir indéfiniment. L’heure était sans doute venue de faire face. J’ai continué à remonter la rue et me suis retrouvée face à la porte d’entrée de son immeuble. Tout me semblait tellement surréaliste. Je commençais à m’imaginer dans cet appartement vide. Seule sans ma grand-mère. Cette réalité m’apparaissait brutalement absurde, grotesque. Comme dans un mauvais film, la scène était des plus ridicules. Impossible de continuer sur cette lancée. Réécrire le scénario. Il aurait fallu réécrire le scénario … Pourtant, j’étais bien ancrée dans la réalité et je devais monter ces putains d’escalier avant que mes jambes ne se dérobent. Reprenant bien fort ma respiration, je gravis les dernières marches. J’étais face à la porte.

 

Avant même de la pousser, je revoyais tout : la disposition des meubles, les odeurs, la vétusté des pièces, les souvenirs s’y rattachant, les joies, les peines, sa vie, notre vie. Mon cœur s’emballait. Mon pouls s’accélérait. Je ne pouvais plus reculer. Je le savais.

 

Tendant l’oreille vers la porte, un étrange sentiment m’habitait. Mal à l’aise, je ne m’expliquais pas cette étrange impression. Décidée à accomplir mon devoir, j’écartai rapidement ces sensations et m’apprêtai à pénétrer dans l’appartement. C’est alors qu’à mon grand étonnement, je vis la porte entrouverte. Etrange … Qui avait pu pénétrer dans l’antre secrète ? Qui avait permis une telle violation de domicile ? Personne d’autre que moi n’avait les clés. Un étranger aurait-il pu s’y introduire ? Défigurée par la colère, le cœur battant la chamade, je fis valdinguer la porte qui vint s’écraser violemment contre le mur de l’entrée. J’étais dans les lieux.

 

Au début, tout me parut normal. J’y reconnaissais l’appartement de ma grand-mère, le buffet rempli de friandises avait gardé sa place, la table recouverte de sa toile cirée trônait au milieu de la pièce … Un bref coup d’œil circulaire me permit de m’assurer que tout avait l’air en ordre. J’étais rassurée. Il ne me restait plus qu’à me mettre à l’œuvre.

 

Alors que je me préparais à faire l’inventaire des affaires de ma grand-mère, je perçus comme des murmures lointains. Ne serai-je pas seule ? C’était impossible. Je me sentais dépassé par les événements. Je devais devenir folle. A moins que ce ne soit la fatigue, le contrecoup de l’épreuve qui me touchait de plein fouet. Fatiguée, exténuée par le chagrin, je ne devais pas être à même de discerner la réalité. Il était temps que je me repose, que je me reprenne en main. Et pourtant, les voix me semblaient de plus en plus réelles. C’était complètement fou.

 

Il fallait que j’en aie le cœur net pour ne pas sombrer dans la folie. Parcourant l’appartement, je jetai des coups d’œil apeurés à chaque détour des pièces. Lorsque tout à coup, je découvris un petit groupe de personnes. Mais qui pouvaient-elles être donc ? Que faisaient ces personnes que je ne connaissais pas dans l’appartement de ma grand-mère ? Incrédule, je les suivais du regard. Pétrifiée, je ne bougeais plus regardant cette masse de plus en plus nombreuse circuler de pièce en pièce. Je n’en croyais pas mes yeux. Que se passait-il ? Quelle farce me jouait-on ? Ce qui se nouait devant mes yeux dépassait l’entendement. Je n’y comprenais rien.

 

C’est en me mêlant à la foule silencieuse que je compris. L’assemblée confluait vers un autel richement décoré d’or et de broderies, de cierges et de bougies brillant dans la pénombre de l’alcôve.

 

Unis corps et âme, hommes, femmes, enfants, tous se recueillaient avec un profond respect, priant avec ferveur. La foule était de plus en plus compacte déambulant dans l’appartement de ma grand-mère. Transfiguré en sanctuaire, ce dernier avait un air de musée religieux. Emplie d’une profonde reconnaissance pour tous ces inconnus venus honorés la mémoire de ma grand-mère, un frisson me parcourut l’échine devant une telle communion fraternelle.

 

Emue aux larmes, mes seules pensées revenaient à ma douce et tendre grand-mère disparue.


Paris, le 10 Juillet 2006
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commentaires

R
<br /> Hommage: Marque, témoignage de respect, de reconnaissance, de gratitude envers quelqu\\\'un ou quelque chose. "Le souvenir de l\\\'activité de la vie était le plus bel hommage que l\\\'on crût devoir rendre aux morts ". Stael. <br /> <br /> En Parcourant ton texte je n\\\'ai pas retrouvé cela, je ne retrouve rien qui m\\\'évoque "cette adorable Grand-mère"ni sa personnalité .Quel dommage que ta Grand-mère que tu aimes tant ne te serve qu\\\'à exalter tes etats d\\\'âmes.<br />
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Ã
Un grand merci pour ton texte Vanessa. Il m'a ému aux larmes.<br /> Jamais souvenir n'aura été évoqué avec plus de sentiment, de sincérité et de force que celui de ta grand-mère. Cette adorable grand-mère qui est la nôtre dès les premiers mots.<br /> Ce sont ces souvenirs la qui nous construisent. Ce sont eux qui sont ancrés dans le réel et qui nous aide à envisager l'avenir dans l'amour, le partage et la sérénité.<br /> N'écoute que toi pour que nous puissions avec bonheur écouter ce chant d'amour et de vie.
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V
Je sais que tu es là pour moi et c'est l'essentiel. Merci ...
S
... et ne pas fuir indéfiniment les vivants, leur faire face, non ?
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N
Un texte qui fait naitre plein d'emotions... J'aime beaucoup ta facon d'ecrire, <br /> Nadine
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V
Merci de tout coeur, Nadine, de ton appréciation et de ton message encourageant.A très bientôt, je l'espère.

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